Le burnout chez les hommes, ça ne fait même pas mal

Le burnout chez les hommes, ça ne fait pas mal ou ça ne fait pas mâle ? Ben oui, on peut légitimement se poser la question puisque dans les informations sur le burnout destinées au grand public, les hommes sont souvent absents : on ne parle que des femmes (à quelques exceptions près). 

Pourtant ils sont bien là. Ils sont bien plus nombreux que ce que l’on peut lire ou entendre. Et même si ça ne fait pas mâle, ils ont mal.

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Les hommes en burnout ont une double peine : ils sont mâles et ils ont mal en même temps

Ces hommes, ce sont Damien, Frédéric, Thomas, Pierre, Alain, Wilfrid, Yvan et bien d’autres encore… Vous n’avez jamais entendu parler de leur histoire car ils taisent leur mal. Ils sont chef de projets, directeur de division, directeur de site, responsable commercial, responsable maintenance, banquier ou encore responsable de ressources humaines…

Ils ont fait un burnout. 

Ils ont tous bien lutté avant d’en arriver au bout du bout de ce processus d’épuisement professionnel. Mais aujourd’hui, leur corps s’est mis en alerte. Certains se sont effondrés physiquement dans la rue, un autre a été conduit de son bureau à l’hôpital par les pompiers, d’autres sont restés dans un état de mutisme plusieurs jours chez eux avant de donner des nouvelles, d’autres ont coupé les liens du jour au lendemain avec leur société, un autre a fait un AVC… 

Alors, oui on retrouve des similitudes chez les femmes. D’ailleurs les causes du burnout sont complètement similaires et je vous invite à lire les 4 grandes catégories de causes dans cet article.

Cependant, le phénomène du burnout est plus « foudroyant » chez les hommes que chez les femmes 

Certains argueront que le burnout chez les hommes et les femmes, c’est pareil, bla bla bla, que c’est des stéréotypes.… Eh bien, non, ce n’est par pareil et il ne s’agit pas de stéréotypes ici : il s’agit de constatations basées sur des observations réelles. 

Autant le monde du travail avec ses normes masculines dominantes peut être une des composantes du plafond de verre pour les femmes, autant il peut aussi être un carcan pour les hommes. 

burnout chez les hommes

Pourquoi le phénomène du burnout est plus foudroyant chez les hommes que chez les femmes ?

Quand on parle de phénomène de burnout, on parle de l’achèvement du processus d’épuisement professionnel. Quand le corps a dit stop pour de bon, quand il s’est mis HS, quand il a déclaré qu’il est KO, quand il se met en mode survie, quand la corde sur laquelle on a tiré depuis trop longtemps s’est étiolée doucement et a fini par céder.

Chez les hommes, une des caractéristiques est que les signes avant-coureurs du burnout sont tus et enfouis. On fait avec en quelque sorte et ils deviennent normaux. On n’y prête pas plus attention que ça. On notera 3 points qui peuvent éclairer ce constat :

Le modèle de l’entreprise est toujours régi par des normes masculines

Ces normes masculines en entreprise s’imposent aux femmes mais également aux hommes. Et elles sont susceptibles d’entrainer des situations de souffrance plus ou moins reconnues, tels que épuisement professionnel et burnout.

L’Orse (Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises), dans son rapport intitulé « Les normes masculines en entreprise » publié en 2019 pointe 4 normes principales. Ces normes ne sont que difficilement perceptibles, elles sont subtiles, mais elles sont pourtant bien présentes :

  • « Etre un gagnant » : On parle aujourd’hui de réussite, d’ « achievement », d’accomplissement de soi dans le travail afin de donner le meilleur de soi-même. Chez les dirigeants et les cadres, on peut observer une aspiration prioritaire pour le travail, associée au plaisir du dépassement. 
  • « Ne jamais montrer une faille dans l’armure » : Il s’agit de se montrer dur de corps et d’esprit en dissimulant les émotions telles que la crainte, la nervosité ou encore la tristesse. Même si cette norme tend à être rejetée par les nouveaux courants du nouveau leadership qui se veut transformationnel, voire spirituel, elle continue d’exister dans bien des environnements. 
  • « Faire partie du clan » : Cette norme est aujourd’hui reconfigurée par un usage masculin quasi sacrificiel du temps. Ainsi la plus forte présence (temporelle et/ou en terme de disponibilité) des hommes dans l’entreprise contribue à les rapprocher. C’est dans cette norme que vient s’ancrer la culture du présentéisme. On a pu observer notamment que le recours au télétravail pendant la période de Covid a perturbé bon nombre de dirigeants et managers ancrés dans ces anciennes normes obsolètes. La présence de leurs collaborateurs les rassure et le fait de ni les voir ni les savoir présents sur leur lieu de travail est souvent synonyme pour eux de non travail et de non engagement. 
  • « Eviter le féminin » : Les hommes éviteront de se conformer à des normes dites féminines (empathie, émotivité, douceur…). Effectivement cette norme ne correspond plus à ce que l’on attend aujourd’hui en terme de soft skills et notamment en terme d’intelligence émotionnelle. Mais ce n’est pas parce que l’on attend aujourd’hui des compétences interpersonnelles que cette norme n’est pas toujours véhiculée 😉
La place de l’homme dans le travail et la sphère privée

Plutôt très distincts jusque dans les décennies d’après-guerre, le rôle de l’homme et de la femme au sein de la famille tendent à évoluer vers plus d’indifférenciation. Mais certains éléments perdurent.

On peut observer 4 points saillants :

  • L’homme continue à être celui qui a le salaire le plus important dans un couple. Cela peut générer un sentiment de responsabilité vis à vis de la famille quand au maintien du niveau des conditions matérielles. Hormis pour des raisons physiques et indépendantes de leur volonté (fractures, interventions chirurgicales…) très peu d’hommes, salariés ou dirigeants, ne feront une pause pour épuisement ou fatigue. 
  • La conjointe sert généralement de point d’équilibre. Cet équilibre là permet souvent, du moins dans un premier temps, de compenser les déséquilibres professionnels vécus. Quand cet équilibre n’existe plus, le couple explose et par effet de chaine, on peut arriver à une explosion de la sphère professionnelle menant au burnout.
  • Quand un homme est en arrêt de travail ou en pause professionnelle, il est très souvent poussé par sa conjointe à reprendre rapidement le chemin de la voie professionnelle. Paradoxalement,  les conjointes reconnaissent assez peu que leur conjoint peut être victime d’épuisement professionnel ou de burnout. 
  • Le travail peut être vu comme le statut, la reconnaissance sociale, le regard que les autres nous portent. Beaucoup n’existent qu’au travers de ce prisme. Ils « sont » leur fonction. Et c’est d’autant plus difficile pour un homme d’exprimer un mal-être quand sa famille, ses amis ne voient en lui que des réussites et surtout pas de quoi se plaindre ! 
L'histoire des hommes et de leurs émotions

C’est assez intéressant de décrypter l’histoire des émotions au fil du temps et de s’apercevoir que dès l’Antiquité grecque ou romaine, on parlait de « contrôle » des émotions. Les émotions étaient méprisées et les hommes devaient les contrôler pour assurer leur virilité. Il faudra attendre la Renaissance pour que les émotions soient pensées et vues comme un baromètre de la vie intérieure. Longtemps dénigrées car opposés à la raison, on est aujourd’hui passé du mépris des émotions à leur instrumentalisation dans de nombreux domaines : dans le management, dans la commercialisation, dans le marketing (on va chercher à créer de l’émotion pour vendre), dans le développement du leadership… 

Il n’en reste pas moins vrai que nous se sommes pas tous égaux face à la gestion de nos émotions. Nous ne percevons souvent de l’émotion que son côté stressant, désagréable et gênant. D’une façon générale, on constate que de nombreux hommes cherchent à éviter les émotions désagréables et les contrôlent quand elles se manifestent. Certains sont même parvenus à se couper complètement de leurs émotions.

Or, cela peut devenir problématique quand un décalage se crée entre ce que nous ressentons profondément et ce que nous exprimons. Des tensions se créent. Certains peuvent chercher à noyer ce mal-être dans l’alcool, la drogue ou à travers d’autres comportements compulsifs.

En contrôlant nos émotions, on se coupe de nos antennes qui peuvent nous servir de guide pour comprendre, agir, réguler et réorienter son parcours.

En contrôlant nos émotions, on se coupe également de nos antennes d’alerte qui nous préviennent de certaines maladies psychosomatiques ou autres. 

Les normes, les codes, la place de l’homme au sein de la famille et le contrôle de leurs émotions font que les hommes sont plus enclins à ne pas écouter leurs limites et à pousser leur corps jusqu’au bout sans ne jamais demander d’aide. 

C’est pour cela que le burnout est souvent plus foudroyant chez les hommes : la corde casse d’un coup. On tombe tout en bas du trou, il n’y a plus rien à quoi s’accrocher. On est face à ses propres limites et à sa propre vulnérabilité. Et il va falloir apprendre à devenir un être humain. Et si ça fait mal, c’est tant mieux car « il n’existe que deux sortes de personnes au monde qui n’éprouvent jamais d’émotions pénibles : les psychopathes et les cadavres », Tal Ben Shahar.   Donc, bonne nouvelle, vous êtes vivant !

Comment traite-t-on un burnout chez les hommes ?

Tout d’abord, on observe 3 catégories d’hommes :

  • Les salariés qui se mettent en arrêt de travail 
  • Les salariés qui quittent leur entreprise du jour au lendemain
  • Les dirigeants qui ne veulent pas s’arrêter et qui sont dans le déni du burnout

Excepté la 1ère catégorie qui passe par la case médecin, les hommes ne consultent que très rarement le corps médical. Pour cette 1ère catégorie là, je conseillerais la lecture de cet article afin que le bon diagnostic soit posé et qu’il n’y ait pas d’amalgame avec une dépression. 

Pour tous, vous êtes vivants, c’est le plus beau des cadeaux. Il ne reste plus qu’à réparer ce qui a été endommagé pour que tout soit mieux huilé et que tout fonctionne mieux. 

On a souvent envie que ça aille vite. Ça peut aller vite à partir du moment où l’envie réelle de changer est présente. Il suffira alors de poser les bonnes briques au bon moment et dans le bon ordre.

Le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur. Un mot permet d'organiser une autre manière de comprendre le mystère de ceux qui s'en sont sortis : la résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit d'adversité.

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